13 décembre 2018Conseil métropolitainEnvironnementEnvironnement, Développement durable, Agriculture et Forêt

Pour un « Agenda environnemental » connecté aux enjeux de santé environnementale

Par 13 décembre 2018 décembre 24th, 2018 Aucun commentaire

Intervention d’Annie LEVY-MOZZICONACCI

Conseil de la Métropole du 13 décembre 2018 – Rapport N°1

ENV 001-13/12/18 CM – Présentation de l’Agenda Environnemental de la Métropole et du Département

 

Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs les Conseillers métropolitains,

Permettez-moi de saluer tout d’abord la démarche de création d’un Agenda Environnemental, essentiel pour assurer la préservation de notre environnement et veiller à la conduite d’actions communes entre la Métropole et le Département. 

Mais permettez-moi de mentionner un absent : c’est la Région, qui je le rappelle pilote le SRADDET (schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires), document opposable, et le Plan Régional Santé Environnemental, le PRSE, car parler de l’agenda environnemental sans le connecter au volet Santé Environnemental me semble encore loin de la réalité d’une vraie politique environnementale surtout dans notre métropole dont le risque de pollution est majeur.

Mais vous avez su associer dès votre élection à la présidence de la métropole, la volonté d’y inscrire la dimension de la Santé dans les prérogatives de notre métropole et je ne peux que vous en féliciter car je vous avais écrit un courrier dans ce sens avant même votre élection. Dois-je voir la une réponse à ma demande ?

Cette décision prend tout son sens au moment d’envisager l’agenda environnemental. Je ne vous apprends rien, selon l’OMS, l’Office mondial de la santé, en France, 1 décès sur 10 est lié à l’environnement. Au niveau mondial, ce serait un quart des morts infantiles qui y trouveraient leurs origines.

Je ne vous apprends rien non plus sur Marseille, et plus largement sur notre Métropole d’Aix Marseille Provence, qui est le lieu d’une pollution intense mettant jours après jours en danger la santé de ses habitants.

A Marseille, considérée comme la ville la plus polluée de France, aux embouteillages records se rajoutent la pollution des bateaux de croisières (Un bateau de croisière pollue autant qu’un million de voitures en une journée), la concentration moyenne de particules fines de la cite phocéenne s’établit à 31,8 ug/m3 alors que l’OMS recommande un maximum de 20ug/m3.

A cela s’ajoute la pollution bactérienne des plages en été et une forte pollution des sols et de l’eau du littoral marseillais liés à son passé industriel. Les usines d’acide sulfurique et les fonderies de plombs se sont installées sur le littoral marseillais dès le XIXème siècle et aujourd’hui les résidus de plomb dépassent les seuils d’alerte dans les sols et les coquillages. Pas moins de 52 sites pollués, et des écoles classées en catégorie C pouvant mettre en péril la santé des enfants exposés.

Non loin de là, pour ne citer que ces deux exemples, la ville de Fos l’une des plus importantes ZIP d’Europe, concentre des activités de sidérurgie (ArcelorMittal), de raffinerie et de pétrochimie et montre un taux de cancers et de diabète deux fois plus nombreux que dans le reste de la France. Les habitants ont porté plainte.

A Gardanne, c’est l’usine Alteo, leader mondial des alumines qui a cessé ses rejets de boues rouges en mer dans le parc national des calanques, mais stocke à l’air libre les déchets solides issus de la transformation de la bauxite qui inquiète ! Une plainte a été déposé pour pollution.

Dans tous ces dossiers, ceux sont avant tout des citoyens, des associations, quelques médecins, quelques élus courageux qui se battent durement, âprement pour faire juste respecter la loi, pas seulement par des industriels peu scrupuleux, ou des propriétaires peu regardant, souvent c’est contre des orientations politiques mal adaptées, peu ambitieuses, ou qui n’ont pas voulu intégrer l’enjeu environnemental.

Alors Madame la Présidente, quand, à la page 6 de votre agenda environnemental, je lis avec grand intérêt que « la qualité de l’air est un enjeu de santé publique » je me réjouis et je me dis qu’enfin je vais découvrir une politique environnementale ambitieuse, responsable, innovante, adaptée aux spécificités de nos territoires particulièrement pollués, nous permettant d’espérer un vrai changement de paradigme. Quand je lis que cet agenda environnemental envisagé sur une période de 5 ans, va se focaliser sur 5 enjeux forts auxquels notre planète et notre territoire en particulier sont confrontés :

  • Améliorer la qualité de l’air
  • Favoriser la transition énergétique
  • Protéger la mer, le littoral et les milieux aquatiques
  • Préserver la biodiversité
  • Lutter contre le gaspillage

Je dis que tout cela est bien louable et indispensable.

Mais malheureusement, le catalogue à la Prévert lu, je me pose des questions :

  • Mais où est la stratégie de fond?
  • Les principes structurants ?
  • La vision globale ?
  • La prise en compte des spécificités de nos territoires ?
  • Le souffle ?

On est malheureusement : excusez-moi l’expression,  que « sur du pansement qui cautérise sans guérir ».

1/ Sur le fond, je ne reprendrais pas bien sûr, l’ensemble du dossier présenté mais à travers quelques exemples permettez-moi de vous montrer les limites de vos propositions face aux enjeux que nous traversons.

Concernant le volet agenda de la mobilité :

Permettez-moi de vous rappeler que la mobilité est la seule compétence de plein exercice confiée à notre Métropole lors de sa création.

Ainsi La Métropole est bien l’autorité organisatrice de la mobilité et dans ce contexte, on aurait pu s’attendre à une prise en compte active et volontariste de cette thématique dans le projet d’agenda environnemental.

Or il n’en est rien. Les mesures annoncées dans la 1ère thématique consacrée à la qualité de l’air sont indigentes et pour tout dire manquent d’air….

Il est parfaitement identifié par la communauté scientifique que les transports constituent la première source de pollution de l’air (CO2 et NOx) notamment dans les centres villes.

Faut-il rappeler ici que les marseillais perdent 8 mois de vie uniquement du fait de la qualité de l’air.

L’agenda est présenté comme « un engagement sans précédent pour la mobilité » (page 8).

Les actions annoncées dans ce rapport n’apportent rien qui permette de diminuer drastiquement la part de la voiture particulière polluante dans nos cœurs de ville.

Subventionner l’achat de quelques milliers de véhicules électriques n’aura aucun impact. Ce n’est qu’un effet d’annonce opportuniste : il s’agit d’une «mesurette» qui ne bénéficiera qu’à ceux qui peuvent recharger leur voiture électrique dans leur garage ou leur jardin pour l’instant !!

La vraie solution consiste à offrir un réseau de transport en commun dense et efficace dans son maillage sur l’ensemble du territoire métropolitain. Or il n’en est rien et aucune amélioration notable de l’offre n’a été réalisée depuis plusieurs années et les quelques projets en chantier ne sont pas au niveau des besoins.

À la place, les travaux de voirie au seul profit de la voiture fleurissent !

Pour ce qui concerne les bus électriques, je rappellerai seulement que l’Agenda Environnemental ne fait que reprendre à son compte la loi de Mars 2015 relative à la transition énergétique.

En effet cette loi précise qu’à partir de 2020, 50% des renouvellements des bus doit être réalisé avec des bus propres c’est à dire électrique ou GNV. La Métropole n’en a visiblement pas pris la mesure car les dispositifs vantés dans ce rapport n’ont rien d’exemplaires. Ils répondent juste à une obligation réglementaire.

Enfin, je ne vois rien sur la mesure la moins chère et la plus efficace pour nos concitoyens : la marche à pied.  Je ne vois rien pour accompagner le pedibus, qui aurait pu être un enjeu de territoire peu coûteux en faveur de l’Eco mobilité scolaire par exemple dans les villes. Va-t-on continuer à voir s’agglutiner toutes ses voitures devant les écoles ?

Je ne vois riende bien ambitieux sur le dossier des pistes cyclables, comme sur la corniche de Marseille par exemple, ou vers le parc national des Calanques.

Il serait grands temps de favoriser ces modes de déplacement sachant que 50% des déplacements de moins de 5 km en ville sont effectués en voiture.

En page 11, vous citez le B.U.S (Boulevard Urbain Sud) comme « la création d’un axe majeur équipé d’infrastructures multimodales ». Il n’est bien sûr pas noté qu’il est prévu un passage de 40 000 voitures/jour sur de nombreux carrefours (Saint-Marguerite par exemple et de Lattre de Tassigny).

Doit-on continuer à défendre une emprise définie dans les années 1930, dans un espace à l’époque non urbanisé qui aujourd’hui ne correspond plus à la conception environnementale d’une ville ?

Le dossier d’enquête publique note dès à présent un fait incontestable : la saturation de ces carrefours aux heures de pointe dès la mise en service du BUS avec un taux de pollution de l’air inévitable. Et que fait-on ?

Plusieurs établissements (dont la crèche du Cabot, le collège Sylvain Menu, la maternelle de Château-Sec jouxteront l’emprise du BUS), sans parler de cet entonnoir à voiture qui va amener ces 40000 voitures à la pointe rouge déjà saturée.

Tous les signaux sont déjà là pour dire que ce projet n’est pas compatible avec votre 1er objectif et vous le prenez en exemple.

En page 11, il est noté dans l’encadré qu’« une plate-forme d’échange de données sur la qualité de l’air associant les citoyens en les dotant d’outils de mesure (micro-capteurs). « 

Et que fait-on si les seuils sont dépassés ? Vous arrêtez le trafic ou demandez aux riverains de ne plus respirer ?

Soyons sérieux, une politique environnementale n’a de sens que si elle s’inscrit dans un projet de santé environnementale, que si elle donne réellement la priorité à la santé de ses habitants.

C’est cela faire un choix politique qui s’inscrit dans un agenda environnemental.

Je garderai l’exemple du BUS, pour aborder l’axe 4 de votre agenda où je lis (point 2) (page 54) « réintroduire la nature en ville ».

Permettez-moi de sourire, car Le BUS va détruire des rares Espaces naturels remarquables :

Comme, les Jardins familiaux Joseph Aiguier    (3.7 hectares voués à la destruction), les plus anciens jardins familiaux de Marseille, Espace de biodiversité méditerranéenne en pleine ville.Un poumon vert pour les quartiers sud ou les Jardins de la Mathilde : Pinède du Roy d’Espagne : 300 pins voués à la destruction.

N’oublions pas par ailleurs, que l’avenir du territoire passe par le développement de l’économie circulaire, c’est le grand absent de votre agenda !!

Vous connaissez, je pense le chemin des Low Tech, le recyclage industriel est porteur d’emploi. Le projet que vous nous présentez est plus que léger alors que vous avez à la Métropole des personnes très compétentes dans ces domaines.

  • Pourquoi ne pas faire de notre Métropole, la première Low Tech métropole: championne de la réparation, du réemploi et du zéro déchet à grande échelle ?
  • Pourquoi ne pas avoir choisi d’annoncer une aide incitative aux industries qui s’engagentsur la commercialisation des produits et services sur la base de leur impact environnemental et humain ?

Beaucoup de tape à l’œil, de « visuel » et pas beaucoup de vision dans cet agenda environnemental.

 Je terminerai sur la forme de cet Agenda Environnemental : 4 points essentiels manquent à l’appel :

  1. Absence de projet participatif 

 Aucune participation de la population n’est à noter dans l’écriture de cet agenda de l’environnement !

Je souhaite que nous associons l’ensemble des citoyens, des associations environnementales, qui sont aujourd’hui beaucoup trop isolées sur nos territoires, et ne demandent qu’à s’inscrire dans une dynamique globale métropolitaine. Beaucoup d’entre elles m’ont fait part de cette volonté de participer à l’écriture de cet Agenda Environnemental.

Je vous demande de les soutenir et de les associer à tous les projets de développement menés dans le sens de leur action.

Je pense notamment aux associations luttant contre la pollution de l’air, ou celles se mobilisant en faveur de la transition énergétique et la préservation de la biodiversité, mais aussi aux Collectifs de Vélos et Comités d’Intérêts de quartier avec lesquels je travaille au quotidien.

Par ailleurs, Je serai extrêmement vigilante sur les dotations données à ces associations, comme l’institut éco citoyen de Fos dont le travail doit être soutenu et élargi au niveau de la Métropole.

L’ensemble des enquêtes menées jusqu’à présent a révélé les dangers auxquels sont exposés nos concitoyens, et les répercutions que cela engendre sur notre qualité de vie et notre espérance de vie.

  1. Absence d’un comité de suivi et de pilotage

La mise en place d’un Comité de suivi et de pilotage est essentiel. Les orientations doivent être portées collectivement par les élus, cadres, mais associer le plus grand nombre d’acteurs du territoire (institutionnels, société civile, monde de l’entreprise).

  1. La Transversalité des approches doit être privilégiée

 Une politique environnementale doit être avant tout transversale à travers les différentes directions et institutions.

  1. Évaluation

Toute politique doit pouvoir être évaluée.  Quels seront les indicateurs d’évaluations ?

J’aurai aimé voir dessiner les grands axes de l’évaluation dans cet agenda. Ils manquent à l’appel.

Une politique environnementale pour la majorité des axes avancés dans cet agenda devra nécessiter une évaluation sanitaire, vu les enjeux particuliers de notre métropole. Nous ne pourrons pas faire l’impasse dans notre Métropole en appui à toute politique environnementale de la mise en place d’un observatoire de la santé incluant un registre exhaustif des cancers et un registre des malformations congénitalesà l’échelle de la Métropole. C’est ce que demandent de nombreux acteurs locaux et nationaux (citoyens, associations médecins, hospitalo-universitaire, juriste) impliqués dans la santé environnementale.

Nous souhaitons que la Métropole intègre cette demande dans son agenda environnemental.

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